Je ne dirai certainement jamais assez tout le bien que je pense de steam, en tant que somme d’outils pratiques, malgré les (importantes) réticences que je peux avoir quant au côté DRM de la chose.
Pourtant, là, il faut bien avouer qu’ils se sont plantés en beauté ! À tel point d’ailleurs qu’en l’espace d’une semaine, il ont fait machine arrière… à toute vapeur.
Petit retour subjectif sur l’affaire de la vente de mods sur Steam.
Tout débute le 23 avril, avec l’annonce en grande pompe d’une nouvelle fonctionnalité sur la plateforme : désormais, les créateurs de mods pourront monétiser leur travail. Encore en phase de test, le procédé n’est pour le moment disponible que pour un seul jeu, The Elder Scrolls V: Skyrim. Un seul jeu, certes, mais oh combien emblématique de la scène modding PC. Pour faire mieux (pire ?!), il aurait fallu que ça soit Mount & Blade, je pense.
Sur le papier, on se dit « pourquoi pas ». Après tout, pourquoi les modders ne pourraient-ils pas gagner quelques piécettes voire, soyons fous, vivre de leur passion ? Sauf que, très vite, on se rend compte que le système a « quelques petits soucis » (euphémisme radical).
Je vous invite à lire notamment l’article de gamekult à ce sujet pour le détail, mais retenez que parmi les principaux problèmes figurent :
- Steam et l’éditeur (en l’occurrence Bethesda Softworks, pour Skyrim) touchent 75% du prix de vente (avec une répartition entre les deux qui n’est pas connue) !
- La boutique de mods affiche un « pay what you want » de bon aloi, façon bundles de jeux indépendants. Mais il y a un minimum à chaque fois, avec parfois des prix relativement importants (5 euros).
Au-delà de ces points, le principe même me semble puant. C’est un avis très personnel, mais après avoir doucement vu disparaître nos belles extensions d’antan, qui relançaient des jeux comme Starcraft ou Diablo 2 pour des années, au profit de DLC qui se résument assez souvent à un beau ramassis de crotte (pour rester aussi poli que possible), voici venu le temps du contenu entièrement produit par la communauté, au profit des éditeurs et distributeurs ? Vous ne vous foutriez pas un peu de nos tronches, dites ?
Autant Bethesda a toujours laissé la communauté de modders terminer ses jeux, souvent buggés jusqu’à l’os, autant ils n’en profitaient pas financièrement parlant, du moins pas directement. Les joueurs savent très bien que, de Morrowind à Skyrim, les Elder Scrolls seuls n’auraient pas acquis cette notoriété et ne se seraient peut-être pas aussi bien vendus s’il n’y avait pas eu cette communauté formidable. Et aujourd’hui, ça ?
Vous me répondrez peut-être que, dans la mesure où les auteurs de mods sont libres de monétiser ou non leurs créations, c’est leur choix et personne ne les oblige. Certes, je reste cependant persuadé que, dans cette histoire, l’exploitation de la force de travail des fans, en leur laissant quelques miettes au passage, ne peut en rien mener à quelque chose de positif. C’est petit, c’est minable, c’est inique.
Cela me fait en plus beaucoup penser au « reach » de Facebook, sur la manière dont cela a été amené et mis en place. C’est d’ailleurs d’actualité, avec la baisse de ce reach en début d’année 2015…
Explications succinctes : comme Facebook, Valve a installé un bon système (le Steam Workshop), pratique et accrocheur. Comme Facebook, maintenant que le concept est installé, ils veulent transformer ça en gains et ils le font salement. Dans le cas de Facebook, ce n’est pas tant le procédé qui est méphitique en lui-même (« Whaaat? Des entreprises privées américaines qui cherchent à faire du profit ? Mais c’est ignoble !« ) que le fait qu’ils ont été gratuits le temps que ça s’installe pour après mettre un bon coup de bambou dans la nuque des entreprises qui utilisent leur service. Coup de génie marketing, soit dit en passant. La vente de mods sur Steam est plus morale et juste là-dessus, en cela que les éditeurs et créateurs de mods ont le choix de monétiser ou non. Mais le principe reste et, pour reprendre un message que j’écrivais il y a deux jours sur un forum communautaire pour discuter de cette fonctionnalité :
« Steam met un place un système de diffusion des mods qui, s’il n’est pas parfait (loin s’en faut pour ce qui est de la navigation dans le catalogue…), a le mérite de beaucoup simplifier les choses pour l’utilisateur et de proposer une couche sociale pas inintéressante (collections, etc.). Maintenant que tout le monde est bien hameçonné, allez hop, on propose la monétisation en prenant une grosse com’ au passage. »
Sur ce même forum, le 24 avril, je concluais ma présentation de la vente de mods Steam comme ceci :
« […] comme c’est tout jeune, on va attendre et commenter en temps voulus. Je parierais bien sur un retrait de cette option de steam dans les semaines ou mois à venir, mais bon… »
Eh bien, cela n’aura pas traîné. Le 28 avril (hier, donc), je tombais sur cette actu d’IGN France, via Twitter. Mon pote Fumble, toujours au taquet, nous confirmait donc ce que je prophétisais : devant la levée de boucliers massive de la communauté, Valve faisait un joli virage à 180°. En n’enterrant pas le concept, au passage, mais en reconnaissant du bout des lèvres avoir commis « des erreurs ».
J’étais donc suffisamment content de mon analyse des choses pour cabotiner un peu, visiblement avec un petit succès (pour un quasi non-utilisateur de Twitter comme moi, c’est presque la consécration 😛 ) :
Auto-congratulation et second degré mis à part, cela prouve au moins que la communauté PC, attachée à sa liberté (qu’est-ce que le modding sinon la liberté pour les uns de « travailler » à transformer un jeu et pour les autres de vivre de nouvelles expériences) et à la gratuité des mods, n’est pas prête à avaler n’importe quelle couleuvre. Fut-elle bien emballée.
Alors oui, en effet, Skyrim n’était peut-être pas « le bon titre » pour ce lancement, tant le modding est crucial dans son succès. La question peut se poser de savoir si d’autres jeux seront plus indiqués pour cette fonctionnalité. Je ne le pense pas, mais ça n’engage que moi. Je crois que les modders ont effectivement bien le droit d’être rémunérés pour tout le temps passé. Le débat philosophique sur le fait qu’ils sont passionnés et que modder pour l’argent changerait radicalement la donne peut attendre un autre jour. Disons juste qu’un vrai « pay what you want« , « buy me a coffee » ou toute autre solution issue du monde du freeware / shareware me semble bien plus indiquée que ce qui nous était proposé là.
Je souhaites en tout cas de belles années au modding PC qui, à l’instar de la scène indé, est une grande force pour notre communauté de joueurs. Changement et progrès n’allant pas toujours de pair, je trouve que sur la question de la monétisation des mods, les choses sont très bien comme elles sont !
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