En voilà un titre de billet qu’il est bien : pas de longue réflexion, pas de jeu de mot capilotracté, parfait. Je vais donc vous parler un peu d’un jeu qui vient de sortir, The Vanishing of Ethan Carter. Merci, de rien, au revoir messieurs-dames.
TVoEC, de son petit nom, est le fruit du studio The Astronauts, composé en grande partie d’anciens de People can fly, connus pour Painkiller et Bulletstorm, de riants first person shooters caricaturaux et gore (mais pas mauvais au demeurant). Ici, point de gros calibres, de finish moves acrobatiques ou d’aliens à énucléer, uniquement un coin d’Amérique profonde à explorer dans l’imper et le feutre d’un détective parapsychique venu enquêter à la demande d’un jeune garçon… nommé Ethan Carter.
Je vous le donne dans le mille, le jeune Ethan a disparu et vous commencez à remonter sa trace. Je crois que je ne vais pas trop en raconter, de peur de vous spoiler. Et, cette fois, ça serait vraiment dommage, tant l’aventure est courte et repose pour une bonne part sur son scénario fort bien écrit et la découverte des lieux et des événements qui s’y sont déroulés. Je vais juste expliquer que notre personnage, un certain Paul Prospero, a des visions en touchant des objets, et peut assister à des scènes passées, principalement en faisant « revivre les morts » le temps que les spectres rejouent les scènes précédant leur trépas. Un « gimmick » qui va représenter 75% du gameplay, par ailleurs assez pauvre à mon goût.
Évacuons tout de suite ces détails qui fâchent pour, comme à mon habitude, rebondir de plus belle avec les éléments positifs, en finissant dans une envolée lyrique de bon aloi. Si si, relisez TOUS mes billets, vous verrez.
…
Si vous revenez d’une longue lecture : je ne vous félicite pas, il faudrait apprendre à lire entre les lignes (si si, allez donc relire TOUS mes billets, vous verrez). Les détails qui fâchent, donc : le gameplay de The Vanishing of Ethan Carter est vaguement excitant lors de la première enquête, un mélange d’exploration, de logique et de (léger) puzzle. L’itération du mécanisme devient très vite lassante, en revanche, même si la courte durée de vie du jeu nous épargne la nausée de la répétition. Là, j’aurais pu utiliser une locution latine, mais bon, hein…
De temps à autres, des « quêtes » supposément optionnelles amènent de nouveaux mécanismes qui, franchement, ne m’ont absolument pas retourné le cerveau en termes de mécaniques. J’écris bien « supposément » car, comme l’explique très bien le test de Gamekult (avec lequel je suis tout à fait d’accord), ces passages optionnels devront être faits pour accéder à la fin du jeu… quitte à devoir rebrousser chemin au tout début du jeu. En même temps, comme je l’écrivais plus haut, c’est très court et, si vous êtes du genre à fouiller partout comme moi, vous n’aurez aucun souci en atteignant le chapitre final.
Bon jusque là j’ai été très négatif : jeu court, gameplay finalement assez pauvre… c’est sans compter ce qui fait tout le sel et l’intérêt de TVoEC, à savoir son ambiance et sa réalisation. J’entend par là sa direction artistique mais je peine à utiliser le terme pour la partie graphique. Je m’explique : The Astronauts a rendu au photoréalisme ses lettres de noblesse. Autant depuis dix ans j’ai tendance à préférer les directions artistiques fortes, comme le cell shading de Borderlands, qui ne cherchent pas à singer la nature, autant là je suis resté bluffé. Scotché à mon écran, bavant sur mon clavier. Une très grande réussite de réalisme, de variété, de beauté crue et vraie. Les paysages naturels sont époustouflants, on se perd pendant de longues minutes, pris dans la forêt, attiré par des rais de lumière, la larme à l’œil devant le soleil déclinant. C’est bien simple, un des passages du jeu nous amène, par un passage assez étroit, devant un panorama grandiose qui m’a certainement mis à plus grande claque visuelle que j’ai ressentie depuis des lustres. Au moins depuis Skyrim, c’est dire.
L’ambiance d’Ethan Carter, ce sont aussi les sons et musiques, une grande réussite. Comme l’écrit le décidément très proche des mes idées journaliste de Gamekult, on ne peut pas s’empêcher de penser à Twin Peaks en entendant certains passages. La musique, nostalgique et envoûtante à la fois, accompagne très bien le périple de Prospero dans les montagnes étasuniennes désertées. D’ailleurs, un détail qui n’aura peut-être intrigué que moi : en-dehors de quelques éventuelles zones assez spécifiques, les États-Unis sont-ils censés abriter autant d’architecture des pays d’Europe de l’Est ? Franchement, les racines polonaises des développeurs ressortent peut-être un poil trop pour parvenir à faire tout à fait couleur locale… rien de grave, toutefois, tout ceci s’accordant très bien au décor naturel et pouvant s’expliquer par le scénario.
Vraiment, je ne saurais décrire avec justesse les sentiments qui assaillent le joueur presque à chaque pas, qu’il soit happé par la vallée parée de chatoyantes couleurs d’automne qui s’offre à son regard en contrebas, hypnotisé par le réalisme d’un rocher moussu qui ne ressemble à aucun autre rocher moussu dans tout le jeu, heurté par un cadavre démembré… un tout parfaitement cohérent, un univers marquant et extrêmement personnel. J’ai vécu à Red Creek Valley pendant quelques heures qui m’ont semblé des jours, je me suis perdu entre les pins centenaires, je me suis pris à humer l’air de mon bureau rouennais en arrivant au bord d’un lac absolument renversant. Une expérience magnifique, qui vous changera.
L’histoire en elle-même est elle aussi passionnante. On pardonnera quelques défauts de rythme, l’éventuel retour sur ses pas final et la relative vacuité du gameplay en découvrant, abasourdi, les références à Lovecraft, Poe, la SF américaine des 50’s, etc. Ainsi qu’un final qui ne déparerait pas dans un bon film et devrait vous laisser un peu pantois, avec quelques questions dans la tête et sentiments vissés au corps. Une réussite.
Un regret, cependant : le monde de The Vanishing of Ethan Carter est tout sauf ouvert et, finalement, assez petit. C’est son immense qualité qui nous fait à l’arrivée regretter que la quantité ne soit pas supérieure. D’un autre côté, la narration ne se serait-elle pas étiolée ? Il y a de grandes chances, malheureusement. Mais celui qui nous proposera un Elder Scrolls dans une telle débauche visuelle peut d’ores-et-déjà prendre mon argent, je lui laisse sans réfléchir !
Au final, cet Ethan Carter vaut-il le coup ? Oui, à coup sûr. Par contre, il faut savoir où l’on met les pieds. Comme dans Gone Home, autre bijou indé que j’ai beaucoup apprécié, on joue finalement peu dans TVoEC. Mais ce que l’on vit est tellement formidable qu’on accepte de n’être que le spectateur d’événements qui nous dépassent. Cela ne conviendra pas à tout le monde. Surtout pour la vingtaine d’euros demandés, peut-être un peu beaucoup pour une expérience de quelques heures. À vous de voir, je vous laisse avec les trailers pour vous faire une idée. Personnellement, je ne regrette en rien mon achat, j’ai adoré ce titre.
Une très chaude recommandation de ma part, donc, pour tous ceux qui sauront apprécier.
Laisser un commentaire